Comment le cerveau apprend-il à lire? Apprendre à lire n’est pas chose aisée. Au cours des dernières décennies, les neuroscientifiques ont essayé de comprendre comment notre cerveau apprend-il à lire. Dans son ouvrage « Apprendre à lire, des sciences cognitives à la salle de classe » , Stanislas Dehaene dissèque le fonctionnement du cerveau quand il lit et quand il apprend à lire.
Qu'est ce que l'écriture?
Pour comprendre comment nous apprenons à lire, il faut définir dans un premier temps ce qu’est l’écriture, puisque « apprendre à lire », c’est décoder le langage écrit.
Il existe différentes formes d’écriture de part le monde. En effet, les écritures du monde diffèrent dans leur granularité : la taille des éléments du langage parlé qu’elles dénotent va depuis le phonème (comme en français ou en italien) jusqu’à la syllabe (écriture japonaise hiragana) ou au mot tout entier (écriture japonaise kanji).
En France, notre écriture est un alphabet : elle dénote les sons élémentaires du langage parlé (les phonèmes) – par exemple, le son ‘t’ et le son ‘i’ de la syllabe ‘ti’. Dans un mot écrit en français, chaque lettre ou groupe de lettres (les graphèmes) correspond à un phonème du langage parlé. Mais le problème dans notre langue est que cette correspondance n’est pas toujours régulière – pensez par exemple, aux mots « sept » et « septembre ».
L’idéal serait que chaque phonème corresponde à une seule lettre de l’alphabet (un son = une lettre). Mais malheureusement, au contraire de l’allemand et de l’italien, notre écriture s’écarte de cet idéal. Certains phonèmes du français sont représentés, non par une lettre unique mais par une suite de lettres comme on, in, ch, … De plus, un même graphème peut se prononcer de manière différente : le ‘ch’ de cheminée ne se prononce pas pareil que le ‘ch’ de chorale. Apprendre à lire pour un petit français consiste donc à apprendre les correspondances entre graphèmes et phonèmes mais également à mémoriser un ensemble d’exceptions et de mots irréguliers. Apprendre à décrypter le français demande d’apprendre deux voies de lecture : le passage des lettres aux sons et le passage des lettres au sens.
Comment fonctionne le cerveau avant la lecture?
Lire n’est pas une activité naturelle pour l’enfant. Nos cerveaux n’ont pas évolué depuis la préhistoire. L’écriture est une invention trop récente dans l’histoire de l’humanité pour avoir pu influencer l’évolution de notre cerveau. Notre patrimoine génétique ne comprend pas d’instructions pour lire ou écrire.
Au contraire du langage écrit, le langage parlé vient spontanément aux enfants et de manière plutôt aisé. Bien avant d’apprendre à lire, l’enfant est déjà un expert du langage parlé. L’imagerie cérébrale a montré que, dès les premiers mois de vie, un enfant qui écoute des phrases de sa langue maternelle active déjà les mêmes régions. Il possède une connaissance sophistiquée de la langue à plusieurs niveaux : l’organisation des phonèmes, des règles phonologiques, du lexique, des règles grammaticales…
Cependant cette connaissance n’est pas consciente. Apprendre à lire va consister à prendre conscience des structures du langage oral, afin de les mettre en rapport avec le code visuel des lettres. Il va falloir recycler certaines régions spécialisées du cerveau.
Une région du cerveau se spécialise pour les mots écrits
La vision des enfants est tout aussi sophistiquée que leur langage parlé. L’enfant possède un système visuel organisé et connecté aux aires cérébrales du langage : à 2 ans, un enfant sait reconnaitre un objet et le nommer.
Cependant, reconnaitre des lettres pour lire n’est pas aussi facile que de reconnaitre un objet Toutes les lettres se ressemblent. La forme particulière de l’écriture nécessite un traitement spécialisé. Pour apprendre à décrypter les mots écrits, une région particulière du cerveau doit se spécialiser pour ces objets visuels d’un type nouveau.
Cette région du cortex visuel s’appelle l’aire de la forme visuelle des mots ou « boite aux lettres » du cerveau comme l’appelle Stanislas Dehaene. Avant d’apprendre à lire, cette région n’est pas inactive : elle sert à reconnaitre les visages, les objets et les formes géométriques. Apprendre à lire consiste donc à recycler cette partie du cerveau afin qu’une partie des neurones qui s’y trouvent réorientent leurs préférences vers la forme des lettres et leurs combinaisons – c’est ce qu’on appelle la théorie du recyclage neuronal. Ce morceau de cortex a beaucoup à apprendre : le fait qu’une lettre peut avoir des formes différentes en majuscules ou en minuscules, comme A et a, et des lettres différentes peuvent avoir des formes proches, comme p et q, …
Lire c’est donc développer une connexion efficace entre la vision des lettres et le codage des sons du langage. Cette connexion entraine un raffinement considérable de la précision du système visuel. Surtout, elle entraine l’apparition d’un code phonologique précis et conscient du langage oral.
Une vidéo à montrer aux enfants pour comprendre comment le cerveau apprend-il à lire
La vidéo ci-dessous résume de manière simple comment notre cerveau fait pour apprendre à lire. Elle pourra servir notamment aux orthopédagogues pour montrer à leurs apprenants le mécanisme cérébral d’apprentissage de la lecture.